« Je viens chez toi parce que j’en ai envie »

La vie comme un art

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Les bras m’en tombent. Mardi 6 Juin.

J’ai le lascar en ce moment.

Il est en garde alternée, en garde à vue de l’autre, pas une garde altérée non plus. C’est la garde à papa.

A quinze ans et quelques jours il me reprend, « je viens chez toi parce que j’en ai envie ». Donc en fait maintenant c’est lui qui nous garde alternativement sa mère et moi. Ca me va. J’espère juste que le moment venu, je crèverai avec élégance sur un banc en lisant un livre. Extinction des feux. Bonsoir. Monsieur ? Ca va pas ? Comme ça le petit aura pas à aller voir le déambulé du cortex errant dans une institution où l’on parque les fantômes. Comme ça il aura pas à me garder à son tour. Me garder en vie.

Hier, mes darons ont repris le bateau pour aller reconquérir leur royaume de Provence et la sécurité sociale m’a autorisé deux semaines de cure et de musicothérapie pour récupérer. On est toujours le vieux de quelqu’un, c’est ce qui rassure. Mais je combats pour garder encore un peu l’alchimie adolescente. Je hais le mot «adulescent », invention de psy qui entend gémir la femme dans ses acouphènes.

J’ai une relation père-fils très copain et alors ? Et je lui raconte l’ado que j’étais et qui me hante encore. Les pères formatés père, en vente chez Ikéa, ce sont ceux qui laissent croire qu’ils sont nés adultes. Ou ceux qui se taisent sur leur jeunesse comme si c’était une faute aux yeux des enfants de l’avoir été. Donc pour mettre la honte à mon gamin qui est à la fois accablé par son vieux et fier qu’il soit aussi excentrique (mais c’est quand même un grabataire merde), je m’informe sur les rituels de sa génération pour pas éternellement passer pour une bille.

Je lui ai ramené un hand spinner, détaché comme si c’était moi qui l’avait inventé, genre le mien est pas mal aussi. Depuis on se fait tourner le truc sur le nez, la tête, l’orteil, la… enfin partout. Ca sert à rien et alors, vous croyez que vous servez à quelque chose ? Le hand spinner nous renvoie à la rotation universelle, c’est un objet métaphysique. Mieux : j’ai appris après trois années de cours du soir à « Daber ». Vous savez pas faire un DAB ? On plonge le nez dans le coude gauche et on tend le bras droit vers le ciel. Le truc c’est de le faire n’importe quand : en dormant, en tournant la mayo, pendant une levrette, en moto, en écrivvvvaaaaaaaaant, bref dés qu’on peut. Et il faut le faire très vite. Quand on le fait à deux, il suffit de l’ébaucher à toute blinde, mouvement de bras, de tête, subliminal. On se comprend.

Daber, ça libère. Ca sert à quoi ? A rien. C’est un geste de chorégraphie compulsive, un moment furtif de poésie comportementale, l’anti-quenelle de l’autre odieux. On dabe juste pour daber. Mon fils a réussi à faire daber son grand-père. Il l’a filmé sur son Iphone. Le DAB du dabe.

La vie, quoi.

Denis Parent.


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