Récit d'accouchement : "c'était mon moment". Accouchement à Domicile.

La vie comme un art

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J’ai commencé à avoir des sensations désagréables. Des petites douleurs… Mais en ce dernier mois, les douleurs, remontées gastriques et autres coups de tibia dans les côtes par l’intérieur était mon quotidien donc même si j’y faisais attention, j’attendais de voir l’évolution.

Homme dormait à l’hôtel. J’habitais chez ma sœur depuis 7 mois avec ma fille de 2 ans et demie…

Ma sœur n’avait pas dormi chez elle et ma fille et moi étions restées dans sa chambre d’étudiante toutes les deux.

C’était un dimanche, alors comme Homme venait nous voir dans la chambre tôt le matin, j’en ai profité -comme une intuition forte à laquelle je devais impérativement répondre- pour lui demander s’il voulait bien accompagner notre petite fille à la messe.

Homme n’est pas croyant, il sait que je respecte ça autant que lui respecte ma croyance forte. Je voulais, à la fois que ma fille aille à la messe pour la placer sous la protection du Dieu en lequel je crois en cette journée que je préssentais particulière, à la fois qu’elle sorte de cette chambre de 17m2 dans laquelle elle aussi avait subi la claustration dû à mon repos forcé et ma grossesse précieuse pour aller profiter de la présence de son père qui avait été absent pendant ces 7 mois et enfin, je voulais être seule avec mon petit bébé dans mon ventre, pour lui parler, lui expliquer, lui dire encore, comment j’envisageais les choses.

Très positif, Homme a pris la gamine dans les bras dans un éclat de son si magnifique rire de bambin et ils sont parti pour Saint Michel, parce que c’était mon lieu de prière préféré et qu’après ils pourraient faire un tour au marché ensemble comme quand Homme et moi étions célibataire et que nous allions chiner ensemble le dimanche matin… Les meilleurs matins de notre vie de couple sans enfant je crois. En tout cas pour moi.

Comme je me retrouvais enfin seule avec mon bébé dans mon ventre, j’ai voulu prendre une douche… Je pensais que j’avais des choses à dire et au final, j’ai étais submergé par des choses que je reçevais et je me suis mise à pleurer sous le jet en réalisant comme j’avais dû me battre, toute seule, avec ma petite fille de 2 ans pour faire vivre cet enfant dans mon ventre malgré la guerre civile qui faisait rage dans mon histoire personnel.

J’étais cocue, le père de mes enfants m’avait laissé me débrouiller pour survivre toute seule dans une chambre d’étudiante, à 3 dans un lit, avec notre enfant tant et tant aimé et espérée, sans nous envoyer un seul centime... J’avais perdu toutes mes amies qui n’avaient montré aucune preuve de compassion ou de tendresse envers moi qui avais toujours était très présente à leurs côtés dans la joie comme dans le désespoir.... J’avais perdu mon travail, détruit mon projet de vie, mon ambition et mes illusions et je me retrouvais là, dans cette minuscule salle de bain, avec un bébé dans le ventre qui semblait me dire « Maman, regarde tout ce que tu as traversé pour moi, avec moi… Regarde, on y est, tu l’as fait Maman, tu as traversé tout ça pour me faire vivre et on y est Maman… Merci… Maman... Merci Maman » alors toutes les larmes de mon corps que je ne m’étais pas permise de pleurer sont parties avec l’eau qui coulait sur moi et je me suis écroulé dans un « Je t’aime » et comme réponse tout ce que je ressentais en retour, en moi, c’était ce « merci, je t’aime » que moi même je renvoyais encore en écho comme un "au revoir, bonjour" mélangé... Sans cette vie dans mon ventre, je ne suis pas sûre que je serais resté debout face à la violence de ce monde qui me tabassait de toute part… J’ai dit « je t’aime » encore et encore et j’ai dit "pardon", aussi. J’aurais aimé offrir mieux. Mais j’offrais la vie quand même…

Il était temps. Je l’ai senti. A ce moment là. Mon corps me disait qu’il était temps, que c’était ce jour là. Alors je me suis ressaisi, j’ai repris ma place de mère, mon courage de mère, mes armes de mère et j’ai expliqué à mon bébé qu’on allait y arriver, encore, ensemble et qu’elle allait vivre, que tout se passerait bien parce que je ferais tout pour que ça se passe bien, parce que je suis sa mère. Et je suis sortie de la douche.

Les contractions étaient devenues officielles. J’ai téléphoné à ma sage-femme pour lui raconter. Le problème est qu’elle m’avait bien expliqué que c’était première arrivée, première servie et que si elle était sur un autre accouchement ailleurs, elle ne pourrait pas venir m’aider à accoucher et qu’il faudrait que j’envisage l’hôpital. Même si j’avais été suivi toute ma grossesse par l'hôpital de Pellegrin à cause de ma béance du col, je n’avais aucune intention de mettre un seul pied là bas !!! Alors la sage-femme m’a proposé de m’allonger en mettant des coussins sous mes pieds pour les garder surélevés et de ne surtout pas bouger sur le dos, histoire de ralentir le travail. Ce que j’ai fait.

Ma soeur est revenu pendant que j’avais repris ma place dans le lit, pieds en l’air et que je regardais la télé. J’étais très angoissée parce que j’avais peur que la sage-femme ne reste bloquée sur son autre accouchement et que je ne puisse pas accoucher à la maison. Mais je ne sais pas très bien montrer mes émotions et j’ai toujours l’air de déconner donc quand je lui ai dit que j’allais accoucher, je devais paraître détendue, donc elle ne s’est pas plus alerté que ça et m’a annoncé que c’était super avant de me dire qu’elle partait à la plage avec sa copine pour la journée… Je suis resté folle dans ma tête, mais je n’ai pas su broncher sur le coups.

Si ma sœur n’était pas là cela renforçait un problème logistique pour moi : comment faire avec ma fille si je voulais garder mon homme à mes côtés ? Il nous fallait une troisième personne et je ne trouvais pas cette troisième personne anxieuse que j'étais déjà suffisamment par la sage-femme monopolisée ailleurs… Il s’est fallu de peu de temps pour que j’explose et que je ne prenne mon téléphone pour pourrir ma sœur et la culpabiliser face à son abandon pendant ce moment où plus que jamais j’avais besoin d’elle ! Les hormones aidant, c’était festival, je l’ai rhabillé à vie d’un glacial et furieux « Va à la plage, merci beaucoup » répété en boucle, qui nous a beaucoup fait rire après.

Bien entendu elle n’a jamais atteint la plage et sa copine et elle ont dû faire demie tour manu militari pour ne pas que je vienne leur accoucher dessus à Lacanau !

Du côté de la sage-femme, ça ne se débloquait pas, mais le ton de sa voix hyper calme et optimiste me faisait réagir en miroir avec elle dès que je lui parlais au téléphone.

Ma fille a été confié à ma sœur par le biais de Homme qui avait pris le relais de la communication de ce côté là puisque je n’étais plus que cris et tyrannie pour ma pauvre soeur qui a en fait remplacé le rôle traditionnel du mari qui se fait pourrir pendant l'accouchement, peut être parce que c'est elle qui a joué le rôle de Homme pendant 7 mois en s'occupant de ma fille et moi... Je ne sais pas, mais sans elle, sans son soutien et sa présence au quotidien, ma grossesse qui a été très difficile à traverser aurait été une horreur sans nom.

Nous nous sommes donc enfin retrouvé à deux dans la chambre. Cela faisait 7 mois que l’on n'échangeait plus que dans les cris et la haine et j’avais dû faire de très gros efforts d’apaisement pour prioriser mes enfants et leur bien être. Je ne sais pas pourquoi lui était à mes côtés, mais je sais que moi, j’étais aux siens pour offrir leur père à mes enfants, clairement. Et un avenir plus rose qu’une chambre d’étudiante à 4 dans le même lit…

Je n’avais pas le choix.

Je tentais de profiter de la situation. C’était ce jour que j’avais tant attendu, la naissance de mon enfant, comme je l’avais organisé depuis des mois, jours après jours, semaines après semaines, en supportant les visites à domicile hebdomadaire de cette connasse d’infirmière malveillante, en supportant la piqure dans le cul chaque mardi, les visites médicales mensuelles à Pellegrin avec une gynéco anti-accouchement à domicile, le cerclage, l’échographiste désagréable qui me parlait comme à une débile mentale… Non, personne ne me pourrirait cette journée. Satan en personne pouvait être assis à mes côtés, je lui aurais fait un café pourvu que je puisse jouir de mon moment d’accouchement en mettant au monde cet enfant que je vénérais et avec qui le lien d'attachement était déjà surnaturel.

Enfin le téléphone a sonné en fin de journée. La sage-femme. Gloire à Dieu, elle venait de se libérer ! L’accouchement s’était très bien passé et elle pouvait venir vers moi. J’allais avoir la priorité moi aussi, ça devenait possible. 7 mois de formation, chaque semaine, pour comprendre ce que c’est de donner la vie, ce que ça implique de choisir d’accoucher à la maison, d’assumer sa vie, la vie de son enfant avec ce risque de mort qui existe quoi que l’on fasse, où que l’on soit et que l’on prend en compte, que l’on cherche à éviter, que l’on anticipe pour le fuir… Fuir la mort pour donner la vie en pleine conscience dans le respect de ce que l’on est, dans le respect de notre corps qui nous donne son plus beau fruit qu’il a mûrement travaillé à faire grandir en lui, dans le respect de cette personne qui a fait cet étrange voyage en nous, avec nous, pour nous, pour elle, ensemble ! J’allais le faire ? Il fallait absolument qu’elle arrive, mais il restait la route encore. Elle n’était pas à côté, elle était même plutôt loin ! Les trois quarts d’heure annoncés me paraissaient insupportables. Je voulais qu’elle soit au moins en Gironde, au moins à Bordeaux, au moins sur la rocade, au moins en bas, au moins à la maison et ding dong !

Elle est arrivée. Ouf. Je ne ressentais pas le besoin qu’elle m’ausculte, elle ne l’a pas fait. On a d’abord discuté de ce que je ressentais, de l’espace de temps entre les contractions… Et puis je lui ai demandé de regarder, elle l’a fait. Comme j’avais arrêté le travail avec mes jambes en l’air sans bouger et mon stress aussi sans aucun doute, la sage-femme m’a proposé d’aller relancer tout ça dehors. Il faisait beau. Un temps magnifique. Nous sommes allées marcher ensemble à Belcier. J’aime tellement ce quartier… C’était le quartier le plus populaire de Bordeaux, entre ouvriers, boîtes de nuits et prostitués, il y avait nous. Une femme enceinte jusqu’aux yeux qui marchait à côté d’une autre femme détendue au possible et d’un homme qui tournoyait autour en prenant des photos.

Quand une contraction arrivait je me posais sur une barrière, je faisais un exercice de respiration, je bougeais mon corps comme il me demandait de le faire : La tête posée sur mes mains, sur la barrière, les fesses en arrière, le dos creux, je balançais mon bassin de droite à gauche… Heureusement que j’avais un ventre énorme parce qu’avec ma robe léopard, dans le quartier des putes, mes mouvements ne passaient pas inaperçus ! En fait c’est très sexuelle une femme qui accouche ^^

Nous sommes retournés à la résidence. Assis sur un banc, au soleil, j’ai soudain compris ce qu’il se passait. C’était mon moment. Mon moment à moi. Depuis 7 mois je faisais tout ce que l’on me demandait de faire, je subissais les volontés de mon homme qui me laissait vivre dans une chambre pour me punir d’être partie après qu'il m'ai trahi de la pire trahison pour moi, après m'humilier pour me forcer à rentrer au Maroc peu importe la vie de notre enfant de 2 ans... Je subissais le fait d’être soumise au planning de la sage-femme pour pouvoir accoucher à la maison, je subissais le protocole médicale, je subissais de ne pas pouvoir décider et maîtriser mon temps. Vengeance. Assise au soleil, j’ai ri en moi et je me suis dit d’une façon très claire dans ma tête « vous allez tous attendre maintenant, c’est mon tour, c'est mon moment, à moi et mon enfant, c'est nous qui décidons. »

Comme la sage-femme habitait à côté et qu’elle avait une logistique familiale à gérer, je l’ai autorisé à rentrer chez elle pendant que Homme et moi rentrions à la « maison »… La nuit venait de tomber. Homme faisait des pâtes. Ma sœur a envoyé un message pour me dire qu’elle avait eu l’ingénieuse idée d’amener ma fille au restaurant avec sa copine pour faire plaisir à la petite… Je l’ai maudite. Je voulais que ma fille soit à l’hôtel comme prévu, en sécurité. Tant que je savais ma fille à l’extérieur, impossible d’accoucher. Je ne pouvais pas. Je devais savoir que mon enfant était en sécurité et ne risquait rien, sans ça rien n'était possible.

Depuis l’altercation du « va à la plage ! » c’est Homme qui communiquait avec la #TeamRosie pour ne pas que je fasse une descente dans le restaurant pour leur accoucher dessus encore une fois.

Sms : nous sommes dans l’hôtel.

Je crois qu’à peine la fin de la phrase lue par homme j’ai lancé le travail, c’était parti, immédiatement les contractions se sont mises à l’œuvre. Homme comptait l’écart de temps entre chaque contraction et l’envoyait en temps réel à la sage-femme qui était en route.

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Je ne voulais pas d’elle, je voulais accoucher, je voulais faire vite, je voulais vivre ce moment là, à moi, je savais qu’elle arrivait que Homme était là, je me sentais bien, je n’avais pas mal, je voulais accoucher, je me tenais au lit à baldaquin et je commençais à râler. Ce râle de femme enceinte qui accouche, ce bruit qui dit que ça va arriver, que c’est en train d’arriver, que ça se passe, mon corps était en train de bosser à toute allure, sans savoir ni pourquoi ni comment, je suis monté sur le lit. Pas comme on le fait normalement, non, je suis monté sur le lit, debout, je me suis agrippé à l’appui tête en fer forgé et je me suis accroupie dans le lit, comme pour faire pipi. C’était ma position, celle que mon corps voulait, à l’endroit précis qu’il avait choisi et je n’avais même pas le loisir de l’observer faire, parce que je l’accompagnais, j’étais à fond avec lui, je faisais ce qu’il faisait, mais ce n’était pas mon cerveau qui le décidait, c’était mon corps, il était en mouvement, souverain, il donnait la vie qu’il avait construit et porté.

Et mon corps s’est ouvert tellement naturellement, tellement simplement, je ne sais comment, j’ai mis une main entre mes jambes pour… Je ne sais pas pourquoi, je l’ai fait c’est tout. Et j’ai senti : un truc chelou !!! Sa poche !!! Ma petite était dans sa poche !!! Ce n’était pas une tête, mais bien une tête dans une poche des eaux intactes qui dépassée de mon sexe ! Ma fille était dans son œuf !!!

J’ai crié à Homme « Attrape la !!! » (c’est la première fois que je réalise que j’ai dit « la » alors qu’on ne savait pas le sexe…). Complètement paniqué, Homme me répond « Mais attraper quoi ??? » et je sens cette poussée qui se fout de tout, ce relâchement de tout ce que je suis, je sens que je n’ai plus mon mot à dire et je hurle pendant que « Splotch » mon bébé sort de mon corps, entièrement dans sa poche, ce qui ne me permet pas de la retenir correctement parce qu’elle glisse alors je baisse mon bassin plus près du lit et elle sort et atterrie sur le lit dans un éclat d’eau de la poche qui se rompt enfin au contact du lit. Mon Dieu. Elle est là, elle se met à huuuuuuuuurler LOL !!! Mais alors à huuuuuuurler !!!! Complètement animal, je ne laisse pas deux secondes avant de la prendre, la coller contre mon torse et de me mettre moi même en boule dans un coin du lit où je me recouvre de tout ce que je trouve pour la protéger. Un drap et une couette plus tard, je réalise que mon enfant est là en train de pleurer et je la calme autant que je peux, je lui demande de se calmer, je l’embrasse, je la sers contre moi comme une louve.

Homme a filmé la scène tant bien que mal, même si au moment fatidique le film s’est interrompu de fait ! Il est complètement euphorique, on l’est tous je crois. On vient de donner naissance à notre enfant… Je viens d’accoucher comme je le voulais, librement, dans la douceur, le respect, la joie…

La porte de la chambre est ouverte pour attendre la sage-femme que l’on entend éclater de rire quand elle entend les pleurs de mon bébé. Elle rentre dans la chambre, hilare et nous félicite en nous demandant le sexe de l’enfant…

On n’a même pas pensé à regardé alors qu’elle est là depuis 10 minutes déjà… La sage-femme en rie et s’occupe d’abord de moi. Il faut que tout le matos qui est encore dans mon ventre en sorte sans que je me vide de mon sang donc elle est un peu plus tendue que dans la journée, même si elle tente de ne pas le montrer, je sens bien qu’il se joue quelque chose à ce moment là et que tout n’est pas gagné.

« Splotch », tout ressort. La sage-femme vérifie qu’il ne manque pas un morceau, me propose de regarder, je décline, me demande si je souhaite le conserver, je décline, le fait disparaître dans un sac.

Elle soulève la couette et regarder le sexe de mon enfant avant de nous annoncer : c’est une petite fille. Notre gros Lulu était donc une petite fille. Mon amour est une fille. Mon guerrier.

Le cordon est coupé quand il cesse de battre.

Je suis recousue de trois points de déchirure avec la promesse que pour le prochain accouchement on m’apprendra a retenir le bébé et à aller moins vite pour éviter la déchirure. Je ne ressens rien, ça ne me fait aucun mal.

La sage-femme propose à Homme de me recoudre plus serrer, je décline.

Elle change les draps, met de l’ordre dans la chambre et habille ma petite fille. Après d’autres félicitations elle repartira me laissant en mémoire cet éclat de rire qui a su accueillir ma fille et mon accouchement que je n’aurais jamais pu m’offrir sans elle.

J’ai donné naissance, non seulement à ma fille, mais aussi à ma féminité affirmée dans son entièreté, à mon pouvoir de femme, à ma capacité de renaître encore, de vivre plus fort à chaque accouchement en acceptant de donner la vie dans la pleine conscience de risquer la mort qui est inhérente au fait de vivre et de la refuser de toutes mes forces.

 


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