Il y a plusieurs choses qui sont tacitement interdites aux femmes et encore plus interdites aux jolies femmes. Encore plus aux jolies femmes mère. Et totalement aux jolies femmes bonnes mères. Comme être pauvre, être intelligente, être libre ou être elle même…

Une jolie femme n’a pas le droit d’être pauvre par exemple, c'est vrai. La société ne comprend pas pourquoi elle se fatigue à être pauvre pendant que pléthore d’hommes seraient prêts à payer tout ce qu’elle veut contre un de ses sourires, un regard, une soirée en sa compagnie ou pour lui faire des enfants.

Imaginer qu’une femme puisse décider de ne pas se servir de sa beauté et subir la précarité comme tout le monde pour revendiquer ses droits élémentaires bafoués, comme le droit d’être amoureuse (ou pas) de qui elle veut, qu’il soit riche ou pauvre, beau ou moche, entrechoque les certitudes de la majorité. Qu'une jolie femme aille s'asseoir auprès des clodos est impensable par exemple. Elle sera vite sortie de là par un homme qui, contre ses faveurs sexuelles comme on dit pour poser un voile sur cette prostitution de bon aloi, lui fournira tout le confort dont elle a besoin sans lever un cil. Juste en baissant sa culotte.

Pour rajouter à l’exemple d’ailleurs, une belle femme n’a pas le droit d’avoir un mari moche et pauvre. S’il est moche, au moins il doit être riche pour qu’on comprenne la vénalité logique de sa douce et s’il est pauvre il doit être au moins assez beau (sous entendu bon au lit, ça va ensemble dans le fantasme) pour justifier la beauté de sa moitié… Les gens misérables voient la misère partout. Les biais cognitifs.

Quand j’ai commencé à être mère, je me suis vite rendu compte que le simple fait de bien m’occuper de mes enfants et de le revendiquer -en revendiquant en prime que les autres enfants aient le même traitement- faisait de moi, que je le veuille ou non (et globalement souvent non), une sorte de sainte aux yeux de nombreuses personnes. On ne m'invitait jamais aux soirées coc' et partouze où le père de mes filles était convié à bras ouverts. Parce qu'étant la bonne mère de service, j'étais forcément moralisatrice, casse-bonbon et shocking friendly. ce qui n'est pas faux non plus.

Bref, les bonnes mères se retrouvent vite dans le rôle des petites actrices d’Hollywood qui ont passé leur enfance et leur jeunesse à jouer les jeunes filles modèles et ne peuvent plus sortir de cette image qui leur colle à la peau.

C’est le syndrome de Lorie. Comment sortir de l’enfance et rentrer dans la sexualité et l'âge adulte sans passer par le stade de la dernière des folles putes qui pète un câble ?

Après moults réflexions, un seul constat. Tu ne peux pas. Tu dois passer par le stade de la folle pute pour casser l’image de la mère sainte car le poids de la charge est immense.

Heureusement que l’enfance est sacré et que les gens imposent ensemble une bonne moralité à ceux et celles qui y sont ou à ceux et celles qui y travaillent. Heureusement que la société veille à ce que les mères de famille ne fassent pas n’importe quoi quand elles sont en charge d’élever les enfants, les citoyens nouveaux qui doivent être équilibrés et harmonieux pour ne pas que le monde aille à vau-l’eau et nous pourrissent la vie à tous.

Mais à un moment, c’est bon, allez tous vous faire enculer ok ! RAS LE BOL !!! Je m’occupe de mes enfants depuis 10 ans, chaque jour, chaque nuit et ne demande de médaille à personne, même si je ne la refuserais pas ! Mais par contre, votre image de petite sainte, vous pouvez la prendre et vous la carrer bien profond dans votre cul ! Je parle à un peuple qui n’a toujours pas été capable de signer la loi contre les violences physiques dite éducatives faites aux enfants, je parle à un peuple qui a supprimé le ministère de l’enfance et de la famille et qui reste incapable de prendre les mères au foyer en compte pour favoriser leur travail de mère, une société qui permet aux pères d’abandonner les enfants impunément et aux mères de les utiliser pour exploiter les hommes en les privant du droit de visite le plus élémentaire sans la pension, rançon de leur gloire de connes.

J'adore écrire comme ça. C'est mon petit côté 9-3.

Pendant 3 ans, j’ai travaillé à taillader mon image, à la tordre, à la ridiculiser, à la magnifier, à en faire exactement ce que JE voulais en faire. J’ai été bien aidé, c’est vrai. J’ai suivi l’insuivable pour tenter de me laver du poids de ce regard qui m’enferme dans l’image de la bonne mère que je suis. Aussi.

Je suis descendu dans les bas fond de ce que je suis pour essayer d'y trouver ce je ne sais quoi de folie, de sexe, de génie, d'expérience qui va avec l'âge adulte et dont on me prive si je souhaite dans les mêmes temps revendiquer mon travail de mère et me battre pour le respect des droits de mes enfants et des miens !

Je remercie le Ciel de m'avoir permis d'aller aussi loin dans cette aventure de liberté, d'exploration et de vie. Je me suis amusée, je me suis testée, je me suis fait plaisir et le bonus, c'est que j'ai pu en faire profiter mes filles ! J'ai pu leur apprendre à faire respecter leur liberté de posséder elle même leur corps quand elles en auront la possibilité à l'âge adulte, la simplicité du fait d'avoir des poils sous les bras et de les lever quand même quand on est heureuse sans avoir à se sentir sale ou folle, le bien être de vivre avec son corps beau comme il est, d'avoir des petits seins quand les autres s'en rajoutent aux kilos et de ne pas les cacher ou modifier parce qu'on s'aime soi même, le bonheur simple de partager des bouts de vie vrais sans en rougir, juste pour être bien ensemble avec ce que l'on est vraiment, d'être en pyjama ou en robe de soirée, démaquillée ou avec son mascara de la veille qui coule parce qu'on s'est endormie en l'état et que c'était trop bon, la joie de ne pas forcément être instagramable, mais d'être toujours aimable et aimé par les gens qui compte.

Les mêmes qui vont être soit disant choqués qu’une mère de famille partage sa photo nue en train de faire un énorme pet sonore sur les réseaux sociaux, seront ceux qui seront au premier rang pour militer pour plus de tolérance face à la décadence réelle de toutes les valeurs de notre peuple… Je vous emmerde tous bande de dégénérés, allez niquer vos mères, elles méritent.

9-3 riprizante.

Mes filles et moi sommes très amusées par cette photo. Parce qu’elles me connaissent, parce qu’elles savent mes rires et ma douceur, ma gentillesse et mon élégance, parce qu'elles me voient passer le plus clair de mon temps en culotte à la maison quand il fait beau de la façon la plus évidente du monde, comme elles et qu’elles ont conscience que de nous trois, c’est moi qui pète le plus fort. Mais qu'avec de l'entraînement, en grandissant, elles arriveront vite à me dépasser.

Pour les trois années de dévergondage que j'ai passé, qu'Il soit loué.