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Quand j'étais adolescente j'ai été diagnostiqué haut potentiel intellectuel. Plus communément appelé "surdouée".

Cela faisait presque deux ans que je partais en vrille et que j'avais complètement décroché à l'école. Socialement isolée, je ne supportais plus la vie ou le contact avec les autres et mon oncle avait obtenu ma tutelle, ce qui me valait d'avoir déménagé à Paris pour ne plus supporter les autres, plus loin.

Forcément, ma situation ne s'est pas amélioré auprès de mon oncle malgré sa bonne volonté et au lieu d'aller à l'école, je partais le matin, sac sur le dos, pour me promener seule dans les rues de Paris et découvrir le monde, avant de rentrer chez moi à l'heure de la sortie des cours, ni vu, ni connu.

L'école était une école du 9.3 sans doute trop confrontée à l'absentéisme et complètement débordée pour remarquer que je n'y avais pas mis les pieds pendant de longs mois... Ce n'est donc qu'à la fin de l'année, au moment de m'inscrire pour le brevet qu'il a fallut se demander qui j'étais et si j'étais bien une élève inscrite dans cet établissement et alors je me suis faite pécho.

La juge aux affaires familiales a ordonné mon expertise psychiatrique pour tenter de comprendre mon problème. Je me souviens que ce jour là il faisait très beau. Je me souviens toujours quand il a fait très beau et qu'il s'est passé quelque chose. C'est même la première chose dont je me souvienne : la lumière du soleil.

Mon oncle m'a accompagné chez la psy pour mon deuxième rendez-vous. Elle m'a expliqué que je devais aller dans la pièce d'à côté pour remplir des "jeux"... J'ai le souvenir d'un plaisir immense à remplir les papiers, comme je me suis tellement amusé à faire ces jeux et comme je les ai dévoré ! J'en voulais encore ! J'avais l'impression que c'était la première fois que l'on me donnait quelque chose pour vraiment me faire jouer et j'ai tout finis en un temps record. La psy en a été horrifié ^^ J'en rie encore aujourd'hui parce que je me souviens de sa tête défaite en face de moi qui ai toujours un côté échevelé et enfantin, complètement naïf... Elle était vraiment horrifié, c'est ça le mot... Je n'ai pas compris pourquoi sur le coup, puisque c'est elle qui m'avait demandé de jouer, alors j'ai cherché où j'avais bien pu faire une bêtise... Elle l'a compris et s'est excusé en me disant simplement qu'elle ne s'y attendait pas et nous nous sommes séparées.

Quelques jours plus tard, mon oncle m'a à nouveau ramené dans son cabinet en me montrant bien le chemin pour que je puisse rentrer à pieds. Nous n'étions pas loin de la maison et il avait du travail à faire.

Je me suis assise en face de la psy, un peu enfoncé dans le siège et je l'ai regardé, me regarder. Elle avait changé et a commencé par me balbutier des sortes d'excuses pour sa réaction quand je lui ai rendu mes jeux, comme si elle avait découvert à ce moment là que j'étais capable de la comprendre intimement... Ce qui n'était pas faux, mais pas vrai non plus. J'étais une enfant... Elle m'a expliqué doucement en tournant en rond que je pourrais faire de grandes études si je voulais, que j'en avais tout à fait les capacités, que je pourrais faire tout ce que je veux dans ma vie si je travaillais et a lâché cette mystérieuse phrase "vous êtes ce qu'on appelle "Haut Potentiel"... La science avance, on est en train de faire des études, mais pour l'instant on ne sait pas beaucoup de choses sur ce sujet, mais ça avance très vite..."

Je n'ai strictement rien compris à ce qu'elle m'a dit. Je n'ai strictement rien compris à ce qu'était une personne avec un Haut Potentiel, mais j'ai compris que j'avais des problèmes à m'adapter non pas parce que j'étais complètement débile, comme on avait pu me le faire comprendre, mais au contraire, parce que j'étais intelligente. Et ça m'a suffit à changer ma vie et ma vision du monde et de moi même.

Je suis rentré à la maison, à pieds et je n'ai jamais parlé à personne de ce diagnostique, pendant 20 ans. Même pas à ma famille. J'avais déjà suffisamment de difficultés sociales, je n'allais pas en prime m'en rajouter en devenant la fille "trop intelligente pour être heureuse" ^^ du jour au lendemain, celle que même la science ne comprenait pas encore, ils allaient tous me terminer ! Je ne sais même pas ce que j'aurais pu dire à mes proches de ce diagnostique. J'ai décidé de me taire et de me réadapter au vu de ces éléments en commençant par fuguer de chez mon oncle pour rentrer toute seule à Bordeaux, chez mon père, en train.

J'avais 14-15 ans.

Mon dossier parisien a été transféré à Bordeaux et bien que le diagnostique de la psy soit parvenu aux oreilles de la nouvelle équipe d'éducateurs spécialisés et de juge aux affaires familiales qui me suivaient, sous la forme de "Elle est très intelligente", je n'ai plus ré-entendu les mots "Haut Potentiel" qui m'avaient tellement dégoûté, voir même découragé, face à la psy de Paris.

J'étais quelque chose que je ne comprenais pas vraiment, que les scientifiques ne comprenaient pas vraiment, mais qui faisait que j'étais intelligente, ce qui me plaçait hors normes sociales. Bon. Je ne demandais plus à personne de me comprendre, ni à mes proches, ni à mes profs, ni aux scientifiques. J'allais faire avec ce que j'avais et ça allait très bien aller.

Par bonheur, les mots "elle est très intelligente" avaient également suffis à l'école pour comprendre que mon cas n'était pas désespéré et qu'avec de la patience il y avait peut être un truc à sortir de moi. Et ça m'a sauvé. Oui, j'étais bizarre, oui, j'étais difficile, mais puisque j'étais soit disant intelligente, ça devait bien ressortir quelque part et petit à petit c'est ressorti, mais alors vraiment tout gentiment. Mon père aidant, en se montrant toujours présent, prêt à intervenir pour dialoguer avec l'école quand je me tendais un peu et trouver une solution qui aille à tout le monde, je me suis apaisée.

La difficulté des gens qui réussissent sans trop se fatiguer, c'est qu'ils ne se fatiguent plus pour grand chose. La stimulation nécessaire à me faire bouger mon cul est énorme et si je n'ai pas envie de le faire ce sera très très compliqué de me le faire faire. Par contre, si j'ai envie, là née la magie à la vitesse de la lumière et dans un grand éclat de rire.

Grâce à Dieu, comme je fonctionne à l'affect, l'équipe enseignante de mon école a su se faire aimer par moi et a sauvé ma scolarité et ma vie même je pense. Petit à petit, grâce à ce diagnostique atténué, j'ai pu me reconstruire et me stabiliser. Sans jamais avoir envie d'explorer ces deux mots étranges de "Haut Potentiel" que j'ai timidement "avouer" au père de mes enfants quand j'ai décidé d'être sa femme... Jusqu'à bien après la naissance de mon premier enfant je n'ai pas touché ces mots... Un coup classique chez les enfants détectés Haut Potentiel de ma génération.

Quand mes enfants sont nées et ont acquis la parole, j'ai pourtant été finalement ravie de posséder ce diagnostique qui m'a énormément aidé à comprendre mon enfance pour leur faciliter la leur. Leur éviter mes erreurs et celles que j'ai dû subir et avancer le plus harmonieusement possible, en respectant leur enfance, à elles, mais aussi mon fonctionnement à moi.

Parce que je me savais hors norme je savais que le travail d'éducation que je faisais d'instinct avec mes filles ne pourrait pas être "normale" et que je devais plus intensément que les autres travailler à ce que mes enfants soient les plus "normables" possibles tout en respectant ma différence sans savoir si cette différence était la leur également... Vu comme ça, ça a l'air compliqué... Et bien ça l'était !!! ^^ Mais tellement fascinant et riche... J'ai dû m'entourer beaucoup et surtout entourer mes enfants par des spécialistes de la normalisation au système (assistante sociale, psy, structure d'accueil du jeune enfant, professionnel de l'enfance...) Je n'élevais pas mes enfants à révéler leur capacité intellectuelle, artistique ou physique, comme les autres parents, mais j'élevais mes filles à être des petites filles qui savent être normales, s'adapter à la société correctement, sans heurts, tout en restant elles même toujours dans la joie en se faisant accepter. Je nous élever toutes.

Aujourd'hui, je vis ma différence neurologique comme une donnée aussi simple que ma couleur de peau ou la texture de mes cheveux. Je suis simplement comme ça et je fais avec ce que je suis. Comme tout le monde, enfin. J'ai dû apprendre plus que les autres comment je fonctionne mentalement pour savoir me gérer et surtout gérer les autres par rapport à moi.

Quand j'en ai ressenti le besoin je me suis toujours rapproché de professionnels de la douance pour me guider. J'ai lu beaucoup aussi, écouter des heures de conférences et de débat sur le fonctionnement du cerveau et les échanges d'hormones, j'ai fait appel à ceux qui savaient pour toujours mieux me comprendre et continuer d'ajuster mon comportement le mieux possible afin qu'il ne me pose pas de problème en société et que la société ne m'en pose pas non plus avec lui.

Beaucoup de parents se posent la question de la nécessité du diagnostique... Je ne suis pas dans les baskets de ceux et celles qui ont cette décision à prendre, mais je peux donner mon expérience : si le diagnostique ne m'a rien apporté d'autres sur le moment qu'un vide immense digne d'un trou noir que même les scientifiques ne savaient pas expliquer (ça me fait rire), l'explication de mes capacités mentales a permis à tout ceux qui avaient ma charge de s'adapter plus correctement à moi pour que je puisse moi aussi donner le meilleur de moi même, à ma façon. Parce que chez moi l'exploit n'était pas dans les notes. Il était dans le fait d'être assise dans la classe, avec les autres élèves de mon âge.


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