Accouchement à domicile "Je veux juste accoucher"

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"Je veux juste accoucher." C'est ce que je m'évertuais à sussurer d'une voix soumise à ma gynéco-obs qui me regardait, le sourcil levé, lorsque je lui parlais de ma préparation à l'accouchement avec l'une des sage-femme qui aide à accoucher à la maison.

"Je veux juste accoucher."

"Je suis profondément contre l'accouchement à la maison - m'expliquait-elle - et je trouve que c'est une connerie sans nom de se mettre en danger à ce moment là... Parce qu'on en rattrape ici des accouchement qui se sont mal passés !"

Comment pouvais-je alors essayer d'avoir un dialogue sur mes attentes, mes peurs, mes espoirs, mes doutes, mes certitudes, face à ce mur de fermeture. Aussi gentille soit-elle...

Je voulais juste accoucher et c'est ce que j'ai fait.

 Dénier cette grossesse. C'est ce que je faisais 97% du temps dans la journée. Cette grossesse n'était pas là. Je ne vivais pas une grossesse pathologique puisque rien ne se passait. Ni enceinte, ni pas enceinte... Ni vivante, ni morte. Rien. Je ne voulais rien. Et après tout ce n'était pas grave. Rien ne devait etre grave. Je ne voulais pas à nouveau perdre cet enfant. Je ne voulais pas donner la mort encore. Plus jamais. Donc rien.

Tout ce qui comptait était le bonheur de ma fille de 2 ans. Sa santé et sa sécurité. Point. Moi, rien. En moi, n'en parlons pas, ne voyons pas, ne vivons pas. Rien.

C'est comme ça que ce sont passés les premiers mois de grossesse. De ma grossesse... 

Et puis il est arrivé. Le ventre. Moi qui le voyais depuis le premier mois, il se montrait alors à tous. Comment dénier alors l'évidence, l'insolence ? Comment se cacher cet état sans angle. Ronde. Et pourtant j'ai continué. Rien ne se passe. Pourquoi me font-ils ce cerclage, ça ne sert à rien. Pourquoi j'accepte cette piqure sournoise dans mon dos. Traitresse. Pour rien. Un cerclage, non, rien.

L'opération faite, j'étais tellement soulagée. Je pouvais continuer à nier, me complaire dans ce rien, sans la peur.

Moins de peur.

Non. J'avais toujours peur. Une peur affreuse, une peur profonde qui engloutie tout le reste. Je n'étais que peur quand je n'étais plus "rien". Le déni me permettait la vie. Presque.

Je mourrais de peur. Chaque jour. Chaque inspiration, chaque seconde. Chaque souffle de peur. La peur de la mort. De la mort de cet enfant qui était tellement tout et qui devait passer pour rien. 

Je me disais que si je vivais cette grossesse sans l'investir, je ne la perdrais pas. J'arriverais à mon enfant si je ne le portais pas dans ma tete. Persuadée d'etre poursuivie par la mort, je vivais le déni de la vie pour feinter la faux. Est-ce que cette petite vie en moi allait encore me faire faux-bond, me faire défaut ? M'abuser ? Se foutre de ma gueule en se barrant le doigt levé ? Casser ma vie et casser mes espoirs ? Casser ma construction et ma famille ? Casser ma coquette sacro-sainte image de moi ? Parfaite. Confiante. Guerrière.

Non. Il ne se passerait rien si je vivais... Rien. Dans la solitude. Mon Dieu quelle solitude... Horrible. Vide. Seule parmi la vie qui danse et qui joue, qui hurle sa force et vrombit sa puissance juste à coté de moi... Sous mes pas, face à moi, sur ma droite, partout. Comme si jétais sous cloche et que tous et tout m'évitait en faisant fi de ne pas m'entendre pleurer ma peur de rien. 

Et puis je l'ai rencontré. MA sage-femme. Je savais que l'accouchement à la maison redonnerait vie à ma vie. Je sentais que ce chemin là était le seule possible pour moi, pour toute ma famille.

Reconstruction home made.

Je crois qu'entre ma sf -comme on dit dans les forums pour tenter d'exister un peu face à ces personnages "vitales" aux roles tellement essentiels- et moi, il y a eu plus que du "service". Je la paie pour m'aider à accoucher ? Non. Je le sais. Je la paie pour me donner vie, pour insuffler à ma famille la vie qui s'est barré en nous laissant sur le carreau. Je la paie pour trouver le chemin de la vie et la faire revenir dans ma maison. Non pas ma maison physique, pas ces 4 murs qui ne sont meme pas les miens, non.

...Ma maison psychique, ma construction mentale qui s'est effondré un 14 octobre 2009 dans la lumière glauque d'un hopital froid, avec des gens froids, des couleurs froides, une température froide et quelque chose de déshumanisé volant de chambre en chambre entre les jambes des femmes lobotomisées de peur de mourir.

Comment a t-elle fait, ma chère sf, pour que je lui lache ma douleur au premier rendez-vous, alors que je la portais depuis plus d'un an sans m'en rendre compte ? Je ne sais pas.

Comment a t-elle fait pour me faire dire ma plus grande peur après quelques minutes d'échanges alors que mon Moi et mon Surmoi se faisaient la gueule sévère depuis plus d'un an... Je ne sais pas.

Mais elle l'a fait.

A chaque rencontre, elle m'a délivré d'un poids pour m'en faire prendre plus. Elle a enlevé de la mort et rajouté de la vie. Elle m'a porté pour que je porte. Elle m'a secoué brusquement pour que je sois douce avec moi. Elle m'a donné la vie que je venais lui acheter à ce prix dérisoire que lui permet la société moderne. Elle m'a fait rire à voix basse, entre nous et crier à voix haute mes limites au monde.

Pour sur, elle a sacrément bien fait son travail. Chaque mardi de chaque semaine, j'attendais avec impatience ce rendez-vous qui m'apprenait, non pas à accoucher, mais à vivre !

Décerclage. Fin de la grossesse patho. Il faut choisir. La maison ou l'hopital ? La vie ou la possible mort ?

Je n'ai jamais vu la possible mort du coté où la société la place. Bizarrement. Logiquement meme. Pour moi, vivre cet accouchement à la maison signifiait vivre en étant une adulte responsable. Responsable de ne pas subir, ne plus subir, jamais. Si cet enfant venait à mourir, ce que je ne souhaitais pas, mon Dieu non, je devrais l'assumer, vivre à nouveau la mort, mais dans la vie, plus dans le déni et la culpabilité.

Ce n'était pas ma faute. Je n'ai rien fait de plus ou de moins pour perdre mon enfant d'amour, chérie dès les premières secondes de pensées de conception, comme ses soeurs, ce foutu merdique 14 octobre 2009.

Là, si. Je faisais plus. Je choisissais de choisir ! De choisir de donner vie ! Comme on crée, comme on écrit ! D'avoir une action, l'action de donner la vie, d'accoucher, moi ! Dans toute ma responsabilité de mère qui a couché pour etre enceinte, qui a pris du plaisir à plusieurs reprises dans le but d'avoir un enfant, qui a consciemment, en toute impunité voulut donner cette putain de vie qui s'était foutu de moi et qui avait massacré ce que je pensais être, me demandant à nouveau -comble du supportable- de l'aimer encore et plus et mieux et plus intensément, sans faire les choses ni à moitié, ni dans la tiédeur !

Alors, je lui ai dit oui et j'ai choisi la vie ! J'ai choisi de naitre sans me connaitre, encore et encore, autant qu'elle le voudrait ! J'ai choisi de vivre et de faire vivre la tiédeur, mais aussi le feu et la glace ! J'ai choisi de ma pleine conscience de donner la vie comme je me pensais capable de le faire et de me montrer à moi meme que, oui, bordel, je suis une sacrée mère qui sait accoucher de ses bébés et qui a confiance en elle et qui n'a pas à minauder ses compétences parce que ça effraie une partie de la société qui ne sait plus se regarder en face sans avoir peur de mourir !

La mort et moi on s'est trop cotoyé ces derniers temps et je tirais de toutes mes forces vers la vie en faisant ce choix. MON choix de vie qui impliquait la vie de mes enfants, de mon Homme et de toute ma famille, de mes amies qui avait porté cette grossesse, parfois à ma place, parfois avec moi... Non pas dans la solitude comme je le ressentais, mais dans l'amour et l'amitié vrai.

J'ai juste accouché le 7 aout 2011. Seule, avec le père de mes enfants, sur le lit de ma soeur, 11 minutes avant que ma sf arrive dans un magnifique éclat de rire immuablement gravé dans ma vie.

J'ai juste accouché.

C'est vrai.

...Mais tellement plus que ça.


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