Choisir un prénom : Hapsatou, Zohra, Giulia et Eric sont dans un bateau...

La vie comme un art

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

En tant que Jeanine Hofbauer -devenue Carole Hofbauer par ma propre décision à 11 ans- mon expérience du choix des prénoms m’incline à quelques recommandations… Surtout si on cumule un prénom d’origine étrangère avec l’apparence qui va avec.

Le prénom est un biais cognitif qui permet à toutes les sociétés de s’organiser pour fonctionner le mieux possible, le plus vite possible. Le prénom dit l’origine de l’enfant, le niveau de vie de ses parents, présume de l’éducation qu’il recevra et donc de la catégorie socioprofessionnelle à laquelle il appartiendra.

Je ne suis pas du tout contre cela. C'est pratique. C’est un système mis en place pour gagner en temps et en efficacité dans la construction du monde humain et des passerelles existent pour aller au delà de ce « déterminisme » social par son travail, sa beauté, son intelligence, sa force ou le charisme de son cul, aussi, c’est une réalité.

Est ce qu’en tant que citoyen d’origine étrangère, il est intelligent de donner un prénom étranger (ou décalé ou trop original) à un enfant né en France quand on veut s’y installer durablement ? Non.

Je parle de la France, mais ce serait majoritairement pareil ailleurs…Je ne vais pas m'attarder sur les petites Myrtille ou Tartampion, mais ça vaut pour eux aussi.

Inévitablement l’enfant sera discriminé. Le biais cognitif.

La question de savoir s’il est utile d’investir en un citoyen qui vraisemblablement ne donne pas les signes qu’il va rester sur le territoire et s’y intégrer est légitime. Même sur le plan émotionnel. Vais-je m’attacher à celui ou celle qui risque de partir ? Non. Je prendrais mes précautions car en tant que citoyen lambda, je préfère que mon univers reste stable et que je puisse m’y appuyer en sécurité et en confiance, savoir qu’il ne sera pas déstabiliser par des données étrangères que je ne maîtrise pas ou par la fuite de données que j’aurais pris le temps de fournir pour améliorer mon quotidien en améliorant celui de l’autre qui s'en nourrit et part.

L’initiative des CV anonymes et toutes les nombreuses luttes des adultes français portant un prénom étranger (ou de plouc) ont montré la difficulté à s’insérer dans le monde professionnel, donc dans la société française, pour ces citoyens français qui ont été affublés d’un prénom et d’un nom d’origine étrangère et qui resteront qu’on le veuille ou non, des citoyens de seconde zone.

Dès l’école l’enfant ne sera pas considéré comme un citoyen Français à part entière, consciemment ou pas. L’institutrice saura par exemple que le travail d’intégration qu’elle doit faire avec une petite Léa ou Zoè, ne sera pas le même travail qu’avec la petite Zohra ou Fatoumata. C’est un fait. Le prénom pose la question de la langue, de sa maîtrise et de l’acquisition des valeurs communes et nécessaires aux enfants de tout le territoire pour avancer de façon harmonieuse en évitant les luttes communautaires et de classes sociales.

Quand on a dit ceci, il reste à dire cela…

Hapsatou Sy, pour parler d’elle, est une citoyenne, une entrepreneuse, française qui est un modèle de réussite pour nombre de citoyens français d’origine étrangère. Non, elle n’est pas seulement la coiffeuse qui vend des cosmétiques qui s’est fait bâcher la gueule par le philosophe... Elle est une femme d’affaire et de média qui roule sa bosse bien mieux que beaucoup d'hommes blancs de plus de 50 ans, cela depuis des années et qui a en prime réussi à se faire non seulement un prénom, mais aussi un nom qui n’a pas besoin de celui de son mari pour exister.

Est ce que Hapsatou est une citoyenne de seconde zone malgré son histoire en France et sa réussite française ? Oui. Malheureusement.

Preuve en est qu’il suffit qu’on remette en cause sa légitimité d’intégration non affichée dans son prénom pour que sa place soit menacée et cela par elle même.

Mais là où elle a raison, c’est que ce prénom qui lui a été donné fait partie de son identité. De son identité d'humaine, mais aussi de son identité de Française qui découle de l’histoire de la France n'en déplaise aux grincheux. La colonisation n’est pas un détail de l’histoire et si moi même je suis ici, c’est aussi parce que cette colonisation a existé et existera toujours à présent.

Si mes parents m'ont appelé Jeanine alors que nous vivions à Yaoundé et n'avions aucun projet de vie en France, c'est justement à cause de cette histoire de France. Cette même histoire qui a donné à Hapsatou sa nationalité et son identité unique et multiple en même temps. Et c'est une grande chance pour la France. Tous ces enfants devenus adultes qui sont des citoyens français à part entière, qui ont grandi sur le territoire et reçu toute l'éducation de la France avec ses valeurs, sont une chance pour la France, parce qu'en ces moments de mondialisation, ils restent une ouverture naturelle et légitime vers le monde, pour la France et notre peuple, qu'ils s'appellent Eric, Giulia ou Zohra.

C'est un mouvement de paresse de ne pas vouloir constater que le temps où le vrai français, bon patriote s'appelait Albert ou Corine, est révolu et qu'aujourd'hui des Hapsatou ou des Killyan se battent pour la France parfois mieux que des Eric qui, même s'ils gardent une part de raison, on tort de freiner l'évidence du fait que la France a changé et les Français avec et que ce changement doit être utilisé comme une force et non pas combattu comme une faiblesse ou un échec.

L’Afrique et la France sont liées dans leurs histoires, à vie. Nier ce fait est une malhonnêteté intellectuelle pour feignant qui ne veut pas se justifier ou débattre sur le rôle, ou pas, de la France par rapport à ses ressortissants africains.

Mais quand on choisit d’appeler sa petite fille Hapsatou, on ne choisit pas l’intégration. Cela ne signifie pas que l’on choisit le rejet pour elle non plus, mais entre tradition et modernité, la petite Hapsatou se fera emmerder par de nombreux Eric avant d’arriver à accepter, pour elle même, que non, ce prénom ne lui permettra jamais d’être complètement identifié comme une française par un peuple français traditionnel qui était là bien avant elle et avait mis en place des règles pour fonctionner, dans l'ouverture, aussi…

Surtout quand cette Hapsatou devenue grande choisira à son tour d’appeler sa propre fille Abby, le prénom qui est dans les top listes des prénoms des petites filles… Au Sénégal.

Et vive la France.

 


Ajouter un Commentaire


MomLetter

Abonnez-vous à notre Newsletter!