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Ma fille de 9 ans a appris à faire ses lacets. A 9 ans. Toute seule. Et cela a pris tout son sens pour moi dans le parcours qu’elle a dû faire pour faire respecter son droit de ne pas vouloir savoir faire quelque chose qu’elle estime inutile…

 L’histoire se passe il y a 4 ans. J’avais inscrit ma fille de 5 ans à l’époque dans une petite association Montessori et j’allais donc la chercher tous les jours à 16h avec sa petite sœur de 2 ans… Un jour, le drame : je retrouve ma petite fille très attristée et franchement contrariée par un événement de la journée…

Elle n’avait pas su faire ses lacets et cela l’avait très fortement agacé que l’on se préoccupe aussi fort de lui apprendre quelque chose dont elle se fichait éperdument. Ma petite hypersensible n’avait pas du tout compris le but pédagogique de ce qui devait sûrement être un atelier pour travailler sur la motricité fine en apprenant à nouer des lacets.

Alors en larme, la fatigue de la journée aidant, ma demoiselle m’a expliqué avec un raisonnement très logique et qui tenait vraiment le coups que si elle ne voulait pas apprendre à faire quelque chose, on n’avait pas à la forcer surtout quand elle n’y arrivait pas, qu’en plus, elle, elle ne voulait même pas avoir de chaussures à lacets et que ce n’était pas sa faute si elle n’y arrivait pas.

 J’ai été très touchée par son explication et j’avoue que j’étais plutôt d’accord avec elle, parce que je savais le nombre d’efforts qu’elle faisait pour évoluer dans tous les domaines et parce que sa démonstration très logique faisait aussi sens chez moi.

Le théorème de Pythagore, ça vous parle ? Vous vous en êtes déjà servi ? Moi non. Jamais.

 Je me suis donc offert, avec ma fille, le luxe de laisser mon enfant sélectionner l’information d’apprentissage dont il estime avoir besoin ou pas sur ce détail de l'apprentissage du noeud des lacets. Et je l’ai écouté. Nous avons fait le pacte de nous passer des lacets. Toute la vie s’il le faut.

 Depuis 4 ans, nous achetons des chaussures sans lacets et nous rusons à chaque fois qu’il s’agit de faire un nœud. Nous partageons toutes les deux un secret entre nous : nous sommes en rébellion contre le formatage des enfants pour leur apprendre à faire leurs lacets alors qu’ils kiffent les scratchs… Et cela a été une aventure fascinante ! Faire respecter son droit de ne pas vouloir apprendre. L'aider à développer sa créativité pour ne pas être moqué par les autres et arriver à développer une technique de demande d'aide auprès des sachants-faire...

Pendant que tous les enfants revenaient souvent sur leurs pieds pour renouer leurs lacets, par sa décision, ma fille s'est offert une enfance sans contrainte autour de ses pieds et a pu courir, sauter, sans jamais se soucier de ce qui pouvait bien se passer autour de ses pieds.

Ce qui est drôle c’est que ma petite chérie a su faire des scoubidous et des macramés bien avant de savoir faire ses lacets. Je ne lui ai jamais fait la remarque.

Et puis soudain, la semaine dernière, il y a eu cette paire de chaussures roses vernis sur lesquelles elle a littéralement craqué. Dés qu’elle les a vu, elle a eu le coup de cœur et m’a demandé de les acheter, avant de remarquer, déçue, qu’elles avaient des lacets… Un regard angoissé vers moi « mais Maman, elles ont des lacets… » Pour que je lui répondes finalement avec une désinvolture bien maîtrisée, l’air de rien, tout doucement « Si tu veux je peux t’apprendre tu sais… » Alors elle a souri. Satisfaite. Puis elle a insisté pour tenir elle même ses chaussures sans les mettre dans le panier...

Arrivées à la maison, elle s’est jetée sur ses chaussures pendant que je me jetais sur ma vaisselle et elle s’est plantée devant moi lacets à la main pendant que les miennes étaient déjà pleines de mousse.

Elle a donc opéré un repli stratégique pour me laisser finir la vaisselle et je n’ai plus entendu de bruit avant de la revoir apparaître devant moi, timidement, les chaussures de la victoire dans ses petites paumes en me disant « Mais en fait regarde, je crois que je sais les faire… Est ce que c’est comme ça ? »

J’ai essuyé mes mains, levé les bras au ciel en la félicitant dans un cri de joie et quand elle s’est blotti contre moi, j’ai eu l’impression, dans son câlin, de dire au revoir à ma petite fille de 5 ans qui était revenue me remercier de l’avoir écouté, respecté et épaulé.

Et toute ma vie a pris sens. Nous avions gagné notre rébellion du lacet, ensemble et nous avions grandit, toutes les deux, à notre rythme.

Dieu bénisse les chaussures roses vernies à lacets et les petites filles qui les font.

 


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