Qui décide du droit à l'amour ?
La dernière fois mes filles et moi avions emprunté un livre à la bibliothèque du quartier sur l'Ethiopie... On a pu y apprendre des tas de choses positives sur ce pays incroyable qui a une Histoire riche, mais aussi on a découvert le sort des enfants "mingi", nés hors mariage ou avec une anomalie. Ils sont tués ou laissés à l'abandon dans la forêt ce qui revient à peu de chose près au même.
Pour se marier, les hommes du clan doivent enjamber une série de taureaux pour prouver leur bravoure. Le hic c'est que la cérémonie est payante et que certains ne pouvant pas se l'offrir, consomment leur relation avant la cérémonie et ont des enfants, qui sont donc tués. Une femme racontait avoir eu 7 ou 8 enfants avec son mari, mais comme ils étaient tous mingi, ils ont tous étaient tué.
Bon.
Ce matin, en pensant à Love Island, la future émission de dating d'Amazon Prime dans laquelle des célibataires vont être guidés en temps réel par le public pour former des couples, je me demandais ce qui est le plus con : tuer des enfants parce que le père n'a pas pu courir sur le dos de taureaux (ou laisser nabilla vergara avoir un temps d'antenne en direct ???) ou laisser des gens choisir qui doit être en couple avec qui... En réalité nous somme dans la même configuration et dans le même questionnement : qui la société autorise t-elle à se reproduire ? Le futur a des vieux relents du fin fond de la forêt...
Je me suis dit que Secret story avait déjà commencé à poser la question : est ce que si on laisse des garçons et des filles, beaux, enfermés ensemble H24 avec un enjeu de "survie", il en sort de l'amour ? Réponse : bof.
Ensuite ça a continué avec toutes les émissions de dating pour chercher comment on peut faire pour faire ressortir de l'argent avec cette question qui nous taraude tous sur l'amour puisqu'elle nous construit : comment faire pour créer le "couple goal" qui aura les enfants que tout le monde voudra suivre quitte à payer cher pour ça... Comment est ce qu'on peut créer les humains qui donnent envie de leur ressembler pour faire avancer le troupeau ?
Moi même, avec mon émission de télé-réalité j'ai participé à cette grande question du "qui décide du droit à l'amour ?" en tentant l'expérience de donner la parole aux enfants dans ce choix que la famille doit faire ensemble pour s'agrandir à nouveau, l'émission Un amoureux pour Maman posait une question et soulevait des sujets qui me passionnent réellement et sont très actuel pour la plupart des mères célibataires...
Que ce soit la famille qui oblige ses membres à se marier avec un inconnu ou un autre membre de la même famille... Que ce soit les conventions sociales trop fortes qui dictent à tout un groupe qui a le droit de se marier ou pas avec qui ou que ce soit le vote du publique, en réalité, la situation est assez équivalente je trouve...
Après avoir constaté l'échec du choix fait par les adultes des familles pour les enfants qui conduisaient à des vies d'une tristesse et d'une rudesse absolue, après avoir constaté l'échec du choix laissé au couple seule qui a conduit à une débâcle de divorces, après avoir essayé de laisser les enfants donner leur avis... On fait appel au public pour construire carrément tout le processus sans l'avis des protagonistes. Pourquoi pas. En réalité ce n'est pas plus violent que de laisser deux familles mettre la pression à deux enfants pendant toute leur enfance pour qu'ils se marient à l'âge adulte...
Que ce soit les traditions, la famille ou la société qui donnent le droit de se marier, ou bien encore le publique, en réalité nous sommes exactement dans le même délire. Le groupe sélectionne lui même ses "meilleurs" sujets en fonction des compétences nécessaires à sa survie dans un environnement donné.
Chez les Karo qui pratiquent la sélection des enfants mingi en Ethiopie, l'homme doit avant tout être robuste, agile et avoir un minimum d'argent correspondant à son insertion sociale et professionnelle parce que ce sont les compétences dont la tribu a besoin pour se développer et donc dont la famille aura besoin pour croître... Chez les occidentaux, les hommes et les femmes doivent être capable de s'exposer et de tout déballer en publique pour gagner le droit de se reproduire dans le plus de confort possible parce que ce sont les compétences dont la tribu a besoin. Nous avons besoin de maîtriser notre image publique et privé, de maîtriser notre capacité à gérer un publique inconnu si nous voulons survivre parce que c'est comme ça que la société s'est construite et se développe et que c'est comme ça que les familles vont pouvoir croître.
Nous sommes dorénavant tous et toutes dans une société de l'image qui construit et dicte les règles depuis des décennies et faire semblant de ne pas le voir, jouer les vierges effarouchées ou vouloir passer à côté, c'est prendre le risque de se faire évincer du groupe et donc de marcher vers la forêt pour aller y mourir.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que nabilla, icône de années 2010 anime cette émission qui est le stricte reflet de l'époque et des suites de sa propre histoire. nabilla a montré qu'en ayant une sexualité totalement débridée et assumée, voir revendiquée, voir jetée à la gueule de tout le monde comme un string plein de cyprine, avec une bonne dose d'agressivité, d'exhibitionnisme et de foutage de gueule permanent et généralisé, on pouvait prendre le pouvoir et niquer des mères pour gagner le droit de se reproduire et vivre sa meilleure vie... Elle montrera donc désormais, bague à l'annulaire et bébé calé sur la hanche, le chemin à la nouvelle génération qui a intégré toutes ses règles et est prête à les dépasser.
S'il fallait monter sur 10 taureaux chez les Karo pour être les plus braves, il en est plus d'un certainement qui tenteront d'en monter 12 pour être plus brave que brave. De la même façon pour les islanders, s'il fallait s'humilier en publique plus bas que le caniveau, beaucoup arrivent avec des pelles pour gagner la villa et l'immeuble avec son nom dessus... C'en est même ennuyeux.
Les "espaces privés" c'est ringard. Nous sommes à l'ère du tout publique. Nous sommes depuis longtemps dans le frisson du il-est-possible-que-je-te-foutes-à-poil-devant-tout-le-monde-et-je-sais-que-ça-t-excite-comme-moi. Une relation de confiance partagée avec quelqu'un est devenu un vrai risque de chute sociale définitive et mortelle. Il suffit d'un écart entre l'homme et l'artiste pour que la prison s'installe comme une évidence. C'est le jeu.
Nous voilà donc tous en train de faire (croire) patte blanche et d'avancer au mieux dans ce jeu du secret interdit, mais obligatoire. Sachant que le premier qui révèle le secret de l'autre peut gagner et tuer celui qui lui a fait confiance tout en se blanchissant lui même par cet acte de trahison...
Depuis maintenant 10 ans j'ai pris le parti de rentrer dans la transparence totale. Je suis limpide et je montre ou explique tout de ma vie, de ce que je traverse, vis ou pense, de ce que je ressens ou rêve. J'ai basé toutes mes affaires sur l'honnêteté, la vérité au publique et l'authenticité. Pour cela j'ai été évincé, menacé, harcelé, emprisonné et ruiné. Mes enfants ont été abandonné, déscolarisé et marginalisé.
Mais je l'ai fait.
Je suis très heureuse de l'avoir fait parce que je me devais de le faire pour moi même et pour la suite de mon histoire. Pour ma conscience, celle de mon futur mari et celle de mes enfants. En vivant la transparence totale au jour le jour et le combat pour la vérité, je me suis offert mon rêve d'enfant et j'ai offert à mes enfants une histoire hors norme, une enfance... Une vraie enfance respectée. Que Dieu en soit loué.
Pour finir mon article, je vais l'illustrer d'un évènement récent qui est plus parlant pour exprimer ce que je voudrais dire...
Depuis que j'ai des enfants, j'ai pris l'habitude d'intervenir tout doucement avec beaucoup de gentillesse et de douceur quand un enfant pleure dehors et que sa mère semble agacée. Je le fais avec bon coeur et amusement parce que je me transforme en la personne que j'aurais aimé croiser ou que j'ai aimé croiser quand mes propres filles faisaient des crises de pleurs quand elles étaient toutes petites... Depuis 10 ans j'ai beaucoup de succès dans mes interventions et j'arrive à dénouer les crises. Au fil du temps je me suis même améliorée dans mes tactiques d'approche. Jusqu'à il y a quelques jours où mes filles et moi avons croisé une maman qui marchait avec un bébé pendouillant dans un porte-bébé mal ajusté suivie par une petite fille qui hurlait derrière elle et ne voulait plus la suivre... Je me suis arrêté à bonne distance et j'ai souri à la petite avant de lui demander ce qu'il se passait. Trois pas en face de moi, un clochard, bourré, riait de voir la petite pleurer et lui parlait directement sans ménagement, en étant plus proche de la mère et en s'approchant de l'enfant... Au lieu de s'inquiéter de cet homme en état d'ébriété qui parlait à son enfant, la mère s'est détourné de lui le laissant seule face à l'enfant pour se diriger droit vers moi et me demander de "rentrer chez moi"...
Rentrer chez moi...
Je ne m'y attendais pas. J'ai regardé sa blondeur et ses yeux bleux... J'ai regardé le clochard et ses yeux bleux sous ses blond cheveux sales... J'ai pensé à mes filles qui me tenaient le bras de chaque côté de moi. J'ai regardé l'enfant qui hurlait...
Et je me suis dit que j'en avait ras le cul de ces conneries. Que je n'y pouvais rien. Que je n'y pourrais jamais rien. Et je suis partie... Sauf que quelques pas plus loin, je me suis rappelé que moi aussi je suis une mère et que mes deux filles me regardent et me prennent en exemple, il a donc fallut que je mette mes enfants un peu plus loin pour retourner voir la mère et lui expliquer que j'étais venu en tant que mère pour apporter gentiment mon aide et mon réconfort et non pas pour agresser et que le fait de me répondre comme ça, devant mes enfants et ses propres enfants n'étaient pas une bonne chose, pour personne. Ce à quoi la réponse a été "et béh assumez !"
Assumer quoi ? D'être gentille ? D'être métisse ? D'avoir la peau foncée ? Assumer de vouloir aider les autres ? De penser qu'on peut tous s'alléger le quotidien au lieu de se le pourrir ?...
J'ai laissé échapper un "je vais assumer oui... Idiote." et je suis partie. Dépitée.
En réalité, je savais que ce jour arriverait. Je savais même que quand ce jour arriverait, je serais délivré de ma mission de consoler les bébés. Mais j'ai toujours fait au mieux pour ne pas que ce jour arrive et j'ai toujours profité de mon super-pouvoir de savoir consoler des bébés...
Mes filles et moi avions baptisé mes opérations consolations "les missions de SuperMaman" prononcé manne à la fin... Et ce jour là, ensemble, nous avons décidé que SuperMaman avait bien travaillé et qu'elle méritait aussi de pouvoir profiter de ses enfants qui ne crient pas, de la vie et pouvait en toute quiétude raccrocher sa cape et ses kleenex pour s'occuper de sa propre famille.
Quand à savoir qui décide de qui a le droit d'aimer, je dirais que la réponse est simple en réalité.
C'est l'argent.